Chile, I - 1

Publié le par unanoenargentina.over-blog.com

30 décembre 2010, je plante le tableau. Maman est partie avant-hier. Je n’ai plus d’électricité dans mon appartement depuis 4 jours (coupures intentionnelles de temps en temps l’été à Buenos Aires car le réseau est insuffisant quand toutes les climatisations sont en marche). Je viens d'empaqueter ma petite vie porteña dans une valise de 25 kg et plusieurs cartons de tailles diverses. Et j’ai chaud.

 

13h, je sonne chez Pao, une amie de mon ancienne colocataire. « Bon, ben : voici mes paquets ! ». C’est elle qui va les garder pendant 2 mois : merci Paola, qu’aurais-fait sans toi ! 14h, je retrouve Julie, ma compagnonne de voyage. Comme moi, elle est à Sciences-Po, en échange à Buenos Aires. 15h30, gare routière de Retiro, section internationale : on embarque pour Santiago de Chile avec un peu de retard.

 

Et notre loooong trajet en bus commence. Cristian, le camarero du bus (qui distribue la bouffe, les couvertures, s’occupe des films…) est un dragueur invétéré. Pour faire taire les deux vieilles qui râlent derrière moi, il leur dit « Yo no me casaré con ustedes. Me casaré con ella – en me désignant – Me va a llevar a Paris y me va a decir “oui-oui” ». Et moi de lui répondre : « Y que pasa si te digo “non-non” » ? Bref on rigole bien… Et puis, alors qu'on y croyait plus, on finit par arriver à la frontière. 

 

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Le lendemain entre 7h et 10h, nous avons eu notre première expérience de la douane chilienne. Après avoir subi la route qui monte et qui tourne (on traverse les Andes, dans l’histoire), on est bloqué à la frontière pour « vérification sanitaire ». Il est en effet interdit d’importer au Chili des produits alimentaires. Le Chili est un micro-climat, coincé entre la Cordillère et le Pacifique. Du coup les plantes n’ont pas les mêmes caractéristiques que celles des pays voisins : elles ne résistent pas de la même façon aux bactéries. Donc interdiction d’introduire des éléments potentiellement porteurs de bactéries, puisque ces vilaines bêtes pourraient détruire les cultures. Et vu que le Chili base une immense partie de son économie sur l’agroalimentaire, cela pourrait être dangereux. Pour en revenir à nos petites personnes endormies et frigorifiées debout dans un hangar sordide au milieu de nulle part : et bien on attend que les agents de la douane vident le bus entièrement et le passent au peigne fin, ils fouillent TOUS les bagages et les passen au rayon X.

 

Question bonus : devinez ce que Lucile a fait de la boite de pâté Lou Gascoun et du bocal d’amandes salées que Maman lui avait ramenés de France et qu’elle ne voulait pas jeter ? Elle les a gentiment donnés à Cristian en lui faisant son plus beau sourire : « por favoooooooor ! ». Il s’est montré très coopératif : il prend les 2 boites et les fourre dans ses poches de pantalon ! YOUH c’est passé. Heureusement je n’ai pas lu dans la presse les jours suivants : « une bactérie mystérieuse détruit la plupart des cultures nationales de blé »…

 

Tous ces contrôles nous ont mis en retard, mais nous finissons par remonter dans le bus. Il faut maintenant descendre la Cordillère : ça tourne toujours beaucoup, ils appellent ça le caracol ici, l’escargot.

 

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Nous arrivons à 13h30 à Santiago, et Soizic – une autre Sciences-piste en échange à Santiago – nous attend à la gare routière. On est très heureuse de se retrouver, mais pas de temps à perdre dans les embrassades : notre bus pour Valparaiso part à 14h, et d’une autre gare routière ! Heureusement il nous suffit de traverser la rue, et nous montons sans problème dans le bon bus : plus de peur que de mal. Voilà un changement « serré comme un string » selon l’expression consacrée.

 

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Voilà une petite carte de la région. Le trajet de Santiago à Valparaiso (Valpo, comme disent les Chiliens) dure normalement 1h, mais avec les embouteillages de ce 31 décembre, on mettra presque 2h30 à atteindre la côte. Je m’explique : Valparaiso est LE rendez-vous de tous les Chiliens pour fêter le Nouvel An. Par conséquent, on n’était pas les seuls sur la route… A l’arrivée, Julie et moi sommes bien fatiguées mais le soleil et la vue de l’Océan Pacifique nous réchauffent le cœur. On va poser nos affaires chez une amie de Soizic, une mini-douche, quelques picadas, un verre de bière, et c’est parti !

 

On descend vers le centre-ville, rejoignant ainsi le cœur de la fête. Pourquoi « descend » ? Parce que la ville de Valparaiso « plonge vers la mer », en forme d’amphithéâtre. Le centre est en bas, au bord de l’eau : c’est ce qu’ils appellent el plan. Mais en plus, cet amphithéâtre est comme plissé : la ville est en réalité construite sur 42 collines ! Choix de site quelque peu particulier pour construire une ville, mais passons.

 

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La célébration du Nouvel An à Valparaiso est marquée tous les ans par un feu d’artifice incroyable, qui bat tous ceux que j’ai vus précédemment au niveau créativité, durée, couleur, et niveau sonore. Le décompte est lancé à partir de 23:59:50 : «Diez, nueve, ocho […] zero ! FELIZ ANO NUEVO ! Chi-chi-chi, le-le-le, VIVA CHILE ! ». Le feu commence ensuite : c’est une pétarade incroyable et multicolore, de près de 30 minutes. Les fusées sont tirées depuis des bateaux stationnés dans la baie, et comme nous étions près du port, sur la Plaza Sotomayor, on avait l’impression que des milliers d’étoiles nous retombaient dessus. On en a pris plein les yeux. C’est grosse ambiance Patrick Sébastien : on a des cravates à paillettes en carton, des perruques, des méga lunettes, et …. « on fait tourner les serviettes » ! Regardez-moi ce désastre.

 

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Julie et moi somme crevées, je le répète, mais on décide de se prendre au jeu, on danse n’importe comment sur leur reggeaton dégeulasse, on fait même des sourires pour les photos ! C’est surtout marrant d’observer les déguisements des gens, je VEUX ces mêmes lunettes « guitares de rock ».

 

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Mais au bout d’un moment, vers 3h du matin, on a juste envie que Patrick Sébastien et tous ses copains rentrent dormir sagement, pour qu’on puisse en faire de même. On veut un lit ! On en informe Soizic, qui n’avait pas prévu qu’on tombe de fatigue aussi tôt. Et ben oui, mais on a quand même enchaîné plus de 24h de bus alors que veux-tu ? Et là on s’aperçoit qu’on est vraiment dans la merde : si Soizic nous avait promis qu’elle avait PLEIN d’amis chiliens qui pourraient nous accueillir sans problème, qu’on aurait un lit à Valparaiso, et qu’il ne servait à rien de réserver une auberge de jeunesse, la réalité est toute autre : on n’a pas de lit, même pas de matelas, même pas l’ombre d’un tapis de sol pour étendre nos corps fourbus et éreintés (OH LA OH LA JE M’EMPORTE).

 

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Commence alors la deuxième partie de la soirée, beaucoup mais alors beaucoup moins drôle, où l’on a erré dans la ville jusqu’à 7h du matin à la recherche du cousin de la tante de la copine du meilleur ami d’un pote par alliance de Soizic, qui pourrait potentiellement avoir les clés de la maison de la belle-sœur de l’oncle d’une ancienne connaissance de la mère d’un autre pote par alliance. Bon j’exagère évidemment mais c’était à peu près ça. On a échoué un moment dans une boite de reggeaton : ça m’a fait cet effet-là.

 

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Le plus étonnant c’est que j’ai vraiment dormi, presqu’une heure, alors que la musique était insupportablement forte… C’est vous dire notre état de fatigue. On réussit après moult péripéties à retrouver les clés de la maison où l’on a laissé nos sacs, pour découvrir que même là il n’y avait pas de lit pour nous. Par contre un des colocataires nous offre gentiment la possibilité de s’étendre sur un matelas de bébé, à deux, sans oreiller mais avec une couverture, la classe. Je précise qu’il a continué à écouter du hard rock avec son copain, à fond les ballons et lumières allumées. PARFAIT !

 

Mais c’était trop beau pour être vrai, 1h30 plus tard Soizic vient nous réveiller : « il faut s’en aller les filles, ma copine est rentrée et elle n’est pas contente du tout que nous soyons ici ». Ah ben oui, tu m’étonnes. Nous revoilà dehors et sans nulle part où aller, COMME D’HAB j’ai envie de dire. La ville est un désastre, elle n’a pas épongée la cuite de la veille. Tout est sale, pue la pisse, et les cadavres (bouteilles + personnes bourrées) pullulent dans les rues. De quoi nous mettre de bonne humeur !

 

Ensuite on trouve quand même un bar où petit-déjeuner, un peu cher et très bobo mais c’est bon : buffet libre, sucré et salé. C’est le début de la fin du cauchemar : on trouve ensuite une auberge de jeunesse qui nous accueille (les lits seront prêts vers 14h). En attendant on se douche - mon Dieu quel bonheur - , et on fait la connaissance de Ricardo, un adorable chilien de 30 ans qui connait la ville sur le bout des doigts, pour preuve il a dirigé la rédaction du rapport qui a permis d’inscrire le quartier historique de la ville au Patrimoine Mondial de l’Unesco en 2003.

 

Enfin, à 14h01, on s’allonge dans nos lits. Et là c’était à peu près ça : merveilleux dessin de Margaux Motin, la prêtresse du blog de BD. Allez voir son site => un concentré d'amour, d'humour, toujours. 

 

Après une bonne sieste, on s’en va explorer le quartier autour de l’auberge. C’est marrant, les rues font des vagues, ça monte et ça descend tout le temps à cause de cette histoire de collines. Certaines rues sinueuses plongent dans l’océan, c’est très beau. Au gré de la ballade : vieilles bicoques colorées, palais du 19ème siècle, maisons coloniales, tags dans tous les sens => vive la diversité. J’ai eu un vrai coup de cœur pour cette ville, j’ai adoré m’y promener. Et comme le lendemain on a aussi visité la ville (mais en compagnie de Ricardo, donc imaginez tout ce qu’il nous a raconté d’intéressant sur Valpo…), et bien je vous mets les photos groupées de ces ballades.

 

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Ah ben oui, c’est beau, hein !

 


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Œuvre de Salvador, papi de 70 ans, et artiste

 

 

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Place des cœurs

 

 

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Les tags, partout.

 

 

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La petite fille: « Viens voir le pigeooooon!! ». Le mec: « J’en ai rien à foutre »

 

 

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Rencontre spontanée avec Rolando et Raquel, un couple qui nous a invités à visiter leur maison. Rolando prend la photo, vous voyez ici Raquel, Ricardo avec son bonnet de Noël, et Julie et moi. 


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Les « ascenseurs » de Valpo

 

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Vue depuis le parking d’un centre commercial, je sais, il y a plus glamour !

 

 

Le 2 janvier au soir on était très fatigué (encore !), puisqu’on a marché de 11h à 21h presque sans pause. Mais ça valait vraiment la peine, on s’est régalé. Et le soir on a mangé à l’auberge, du poisson et des légumes au barbecue, un délice !

 

Dernière anecdote. Nous avons eu dans la nuit un des meilleurs fous-rire du séjour. Il y avait un Américain qui ronflait dans le dortoir, mais qui ronflait comme c’est pas permis. Genre une truie en rut, il faisait un bruit incroyable. Les gens se levaient, allaient lui dire que c’était pas possible, il se confondait en excuses mais reprenait sa musique dans les trois minutes qui suivaient ! Pour vous dire, une meuf a quitté le dortoir avec sa couette pour aller dormir sur les canapés de l’accueil…

 

Suite de nos aventures sur la côte Pacifique au prochain épisode!

 

NOTE: Je tiens à remercier Julie pour toutes ces photos magnifiques, elle est est l'auteur émérite! Vous avez l'album en accès libre dans la colonne à droite, pour admirer encore et encore...

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